Affiche du film
QUELLE FOLIE
Par Sylvain
Quelle folie… Au début, il se dit quel ennui. Face à lui, un autiste et ses émotions qu’il ne sait nommer, et ses pensées qu’il ne sait avec clarté exposer. Et puis, peu à peu, les fulgurances débarquent sur une plage, avec le même pouvoir libérateur qu’autrefois : les chars.
Dans une volonté de précision, l’autiste peut parfois s’isoler au milieu d’une discussion. Il se rapproche de son propos mais s’éloigne de son interlocuteur. Essayer de parler juste, et au maximum AVEC.
Ensuite, dans la rue, s’engage une discussion avec l’égoïsme des moteurs. Leur tic-tac qui d’abord indique une présence, puis après une sorte de repli, une absence. Entre sollicitation, puis abandon, l’entre-deux devient une paralysante obsession, qui impose de furieusement accélérer, ou de se laisser passivement dépasser, pour pouvoir à nouveau simplement s’appartenir.
Pampelune alors : la foule, le rouge, le blanc. Les animaux. Taureaux puissants, dans les rues, lancés à la chasse aux moutons. Un cirque, à observer. Pour l’autiste plutôt une visite au musée, à tenter de comprendre. Dans un musée, extraits de leur époque, les objets ne sont plus que des formes, et non précisément, à part pour des experts, une fonction précise ou une utilité. L’autiste traverse sa société comme un spectateur dans un musée, essayant de déchiffrer la fonction et l’utilité de tels comportements, entouré d’experts, si fiers de lui apprendre, de bien lui expliquer, comme l’arbitraire devrait être finalement pour tout le monde évident.
Visiteur de musée, mais le musée à ciel ouvert est bruyant, et le style sur les visages : dégoulinant. Alors, il remonte à contre-courant la foule, pour retrouver la source, de l’harmonie, du mystère, du silence. Revenu à lui, assis, il raconte avec humour, gravité, une vie d’aviateur. Faire poser son embarcation manuellement. Même en plein ouragan, il doit improviser chaque minute en artiste. Devenir un dompteur de vide, de nuages, un dresseur de néant. Il doit se souvenir toujours de Saint Exupéry. Et alors il se demande chez les autistes : combien meurent, quand enfin un, sain et sauf, atterrit ?
Le pilotage automatique n’a jamais été activé. Pas de stabilité, pas de sécurité, mais pas non plus de conformisme. A devoir tout maîtriser, on s’intéresse à toutes les fonctionnalités, et voilà qu’à un moment dans le ciel, pour l’émerveillement, apparaît un looping.
Visiteur de musée, pilote de l’air, puis spectateur du doigt qui désigne la lune. Idiot de se limiter au concret ? Mais les sens, pour se nourrir de vitalité, ont besoin de proximité, et le panorama à deux pas de soi est souvent un humain.
De la peau, une énergie, qu’on veut goûter, toucher, partager. Alors pour l’autiste, les déserts de vérité sont délaissés, pour rejoindre des enclos de gestuels robotisés, de saveurs uniformisées.
La violence liée à l’absence générale de conscience veut s’exprimer, et tout leur renvoyer. Mais la nécessité du lien la laisse en sous-terrain, un marécage de colère se met alors à stagner.
Quelle folie : 1h30, au milieu de l’inédit. A suivre une périphérie d’existence dont on choisirait soudainement d’en faire le centre-vie. D’ailleurs, à le voir filmé, voilà qu’elles commencent à fantasmer, le questionner. Une célébrité ? Notre image ainsi, doit-elle pour l’instant, être captée par la lentille d’une caméra, pour pouvoir après s’infiltrer sans embarras dans la rétine asséchée de tant de yeux ? De tant de yeux…
Quelle folie, mais merci ! Quel merci… Quelle folie.