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CE QUE L’ÉCRITURE M’APPORTE, AU QUOTIDIEN, DE SI ESSENTIEL ?

par | Sep 20, 2021

Par Sylvain

de chelous.fr

Les mots. Comment je les aime, les mots. Je les sélectionne, comme un diamantaire choisit ses pierres. Je les enfile, côte à côte, avec soin, dans des phrases, pour qu’une fois le point posé, une sensation de beauté, de pureté jaillisse dans le corps. Une évidence et un mystère, qui donnent envie de relire, de relire, comme on ne peut s’empêcher d’observer, de longues minutes, intrigué, dans un musée, soudainement, une sculpture, un tableau.

Les mots… Ils me permettent de partager la lumière qu’il y a en moi. De l’extérieur, j’ai l’air idiot dans une rue, à patienter dans une file d’attente à une caisse, ou assis dans un train. Dans tous les moments du quotidien pratiques, je me trouve sans magie, alors que j’aimerais être splendide, lumineux, déroutant, à chaque instant. Même avec un crottin de chèvre, à la main, à la caisse du Biocoop, j’aimerais que la fille devant moi, se dise, « là je vis un moment peu ordinaire, et pas uniquement parce que le mec derrière moi a pris un truc, au lait de je sais pas quoi, à conserver bien au frais dans la poubelle ».

J’aimerais vivre dans la magie, en permanence, car la mélancolie n’est jamais loin. Le principe de nous donner vie, pour après nous la reprendre… Déjà que l’obsolescence programmée sur les machines, je trouve ça injuste, alors l’obsolescence programmée sur les humains… Avec mes parents, ai-je choisi finalement la bonne marque ?

Que la vie ait une fin, petit, ça m’a mis comme un mathématicien devant une impossible équation. Alors qu’en adulte, j’ai vu qu’en plus de l’injustice de la vie, les hommes entre eux se rajoutaient des injustices, là, la fête n’avait même pas commencé, qu’elle était déjà finie, et qu’en plus, on te demandait maintenant de travailler, pour participer au budget de sa non-organisation collective.

Rien de beau ne se passait.

Je veux fuir cette mélancolie et profiter au plus de chaque instant. Et profiter de chaque instant, ça veut dire, pour moi, sentir du respect, de la camaraderie, dans les yeux d’un frère, et de la joie et du plaisir de se regarder, dans les yeux d’une femme. Et ça, sans les mots, j’ai l’impression que je ne peux pas suffisamment créer de chaleur, d’étincelles, pour que tout bascule. Pour que la froideur, la timidité, la rigidité, laissent soudainement la place au partage, aux rires, à la sensualité, au corps, à la douceur.

Alors j’utilise des mots, comme on allume des cheminées, comme on démarre le chauffage, en hiver, et je me réchauffe à proximité des autres magiciens, et magiciennes, qui ont le souci de transformer le quotidien, en instants infinis. Et ceux qui parlent de la météo, des infos, qui jettent des mots de leur bouche, comme des billets par les fenêtres, ceux-là, je les fuis, physiquement, ou musicalement. Des écouteurs, destination ailleurs. Un monde avec plus de sens, une meilleure énergie. Car les mots transmettent ça : du sens, de l’énergie.

Tout ce qui me fait vibrer : du sens… et de l’énergie.